Avis d’augmentation de loyer : nouvelles obligations pour les locateurs

À l’aube de la période de renouvellement des baux, ce billet aborde les nouvelles obligations qui s’imposent à tous les locateurs québécois, qui devront modifier substantiellement les avis d’augmentation de loyer qu’ils transmettront à leurs locataires.

À l’origine : le projet de loi n° 31

Le 21 février 2024, l’Assemblée nationale a adopté la Loi modifiant diverses dispositions législatives en matière d’habitation1, qui venait, comme son titre l’indique, changer certaines règles relativement aux baux de logement. Les modifications touchant les cessions de bail ont alors fait grand bruit.

En plus des modifications touchant les cessions de bail, cette loi contient une disposition qui est passée pratiquement sous silence. Elle prescrit certaines mentions qui devront obligatoirement être indiquées dans les avis de renouvellement de bail et permet au gouvernement d’imposer d’autres mentions, en adoptant un règlement. Cette disposition n’était toujours pas en vigueur, jusqu’à récemment.

La nouvelle disposition législative vise à contrecarrer une pratique qui s’est développée chez certains locateurs. En effet, en transmettant l’avis d’augmentation de loyer, certains d’entre eux indiquaient que le locataire pouvait soit accepter l’augmentation du loyer, soit quitter le logement. La possibilité pour le locataire de refuser l’augmentation tout en demeurant dans son logement, qui lui est pourtant garantie par la loi2, était volontairement omise. La jurisprudence avait invalidé cette pratique3, la jugeant contraire aux exigences de la bonne foi. Qu’à cela ne tienne, les avis d’augmentation n’indiquant que deux options sur trois demeuraient monnaie courante.

Les nouvelles obligations

Le 11 décembre 2024, le gouvernement a adopté le Règlement sur le contenu obligatoire de l’avis de modification du bail d’un logement4, lequel est entré en vigueur le 26 décembre 20245. Depuis cette date6, l’article 1943 du Code civil du Québec se lit ainsi7 :

1943. Tout avis de modification doit informer le locataire de ses droits et recours prévus aux articles 1945 et 1947 et doit contenir toute mention prescrite par règlement.

L’avis qui vise à modifier la durée du bail doit indiquer celle qui est proposée.

L’avis […] qui vise à augmenter le loyer doit indiquer en dollars le nouveau loyer proposé, ou l’augmentation en dollars ou en pourcentage du loyer en cours. Cette augmentation peut être exprimée en pourcentage du loyer qui sera déterminé par le tribunal, si ce loyer fait déjà l’objet d’une demande de fixation ou de révision.

[…].

[Nos soulignements indiquent les modifications]

Alors que le nouveau libellé de l’article exige que l’avis mentionne le droit de refus du locataire (art. 1945 C.c.Q.), le droit à la fixation du loyer (art. 1947 C.c.Q.) et d’autres mentions supplémentaires déterminées par règlement, le gouvernement a choisi d’imposer un texte complet qui englobe l’ensemble de ces obligations. Nous ne reproduirons pas ici l’ensemble du texte, qui peut être lu dans son entièreté en consultant le règlement. Il est obligatoire que chaque avis d’augmentation reproduise l’intégralité du texte prévu au règlement, donc nous faisons ici un résumé. Essentiellement, les nouvelles mentions obligatoires sont de trois ordres8 :

  1. Indiquer les trois options qui s’offrent au locataire (accepter, quitter et refuser tout en demeurant dans le logement) et le délai d’un mois pour répondre à l’avis9;
  2. Mentionner les situations dans lesquelles le refus de l’augmentation de loyer entraîne l’obligation de quitter le logement, soit lorsque logement est situé dans une coopérative d’habitation dont le locataire est membre10 ou lorsque l’immeuble a été construit ou est devenu résidentiel depuis moins de cinq ans11. Rappelons que ces restrictions doivent être indiquées au bail pour pouvoir être opposables au locataire12;
  3. Expliquer le droit à la fixation du loyer pour le locateur et le délai qu’a ce dernier pour agir13, ainsi que les conséquences lorsque le locateur décide de ne pas déposer de demande en fixation14. De plus, l’avis doit faire mention du fait que les frais de la demande de fixation de loyer sont à la charge du locateur, mais que, dans certaines circonstances, le tribunal pourrait ordonner au locataire de rembourser ces frais15. En effet, la jurisprudence a bien codifié le principe que les frais d’une demande en fixation sont à la charge du locateur, sauf si le locateur obtient l’augmentation de loyer demandée et que, avant la demande de fixation, il avait permis au locataire d’avoir accès à tous les documents qui permettaient de justifier l’augmentation demandée16. Les nouvelles mentions obligatoires reprennent donc directement ce que la jurisprudence appliquait déjà.

Il ne faut pas oublier qu’en plus de toutes ces nouvelles mentions, l’avis doit également respecter les autres conditions qui étaient déjà prévues auparavant, soit :

  1. L’avis doit être écrit17;
  2. L’avis doit être rédigé dans la langue du bail18;
  3. Lorsqu’il y a plusieurs locataires, être remis individuellement à chacun d’eux19.

Pour s’assurer qu’on respecte l’ensemble des prescriptions de la loi, il est donc fortement recommandé d’utiliser le modèle d’avis préparé par le Tribunal administratif du logement.

Les conséquences d’un avis non conforme aux nouvelles obligations

En principe, un avis qui ne comporte pas l’ensemble des mentions prescrites est inopposable au locataire20. Toutefois, le tribunal peut maintenir la validité de l’avis, lorsque le locateur démontre que le locataire n’a subi aucun préjudice de l’absence de ces mentions21. Cette notion d’absence de préjudice est floue peut être interprétée largement par le tribunal et détourner d’une certaine façon l’objectif du législateur, qui vise à davantage protéger les locataires.

À cet effet, en s’appuyant sur cette disposition, la jurisprudence a déjà, par exemple, confirmé des avis de reprise de logement22 qui ne contenaient pas l’ensemble des mentions imposées par la loi23. Cela n’est toutefois pas du tout automatique et la jurisprudence est loin d’être unanime24. Il reste donc à voir comment la jurisprudence va évoluer quant aux nouvelles obligations en matière d’avis d’augmentation de loyer.

En terminant, il importe de mentionner que lorsqu’un locataire désire invoquer l’inopposabilité de l’avis, car il le considère incomplet, il doit aviser le locateur de ce fait et lui indiquer les motifs qu’il entend invoquer25. Il ne peut simplement ignorer l’avis en apparence incomplet.

  1. L.Q. 2024, c. 2. ↩︎
  2. Code civil du Québec, RLRQ, c. CCQ-1991, art. 1945 al. 1 (ci-après « C.c.Q. »). ↩︎
  3. Résidence Les Écluses St-Lambert, s.e.c. c. Fontaine, 2022 QCTAL 35725; 6609 Parc, s.e.c. c. Quinn, 2020 QCTAL 3793; Quevillon Charbonneau c. Fortin, 2020 QCRDL 12525. ↩︎
  4. (2024) 156 G.O. II, 7149. ↩︎
  5. Id., art. 2. ↩︎
  6. Loi limitant le droit d’éviction des locateurs et renforçant la protection des locataires aînés, L.Q. 2024, c. 23, art. 14(1). ↩︎
  7. Id., art. 4. ↩︎
  8. Règlement sur le contenu obligatoire de l’avis de modification du bail d’un logement, préc., note 4, annexe I. ↩︎
  9. Art. 1945 al. 1 C.c.Q. ↩︎
  10. Art. 1945 al. 2 et 1955 al. 1 C.c.Q. ↩︎
  11. Art. 1945 al. 2 et 1955 al. 2 C.c.Q. ↩︎
  12. Art. 1955 al. 3 C.c.Q. ↩︎
  13. Art. 1947 al. 1 C.c.Q. ↩︎
  14. Art. 1947 al. 2 C.c.Q. ↩︎
  15. Loi sur le Tribunal administratif du logement, RLRQ, c. T-15.01, art. 79.1. ↩︎
  16. Cotton c. Turcotte, 2024 QCTAL 41303; Warren c. Lamothe, 2013 QCRDL 12662; Benoit c. Boileau, 2011 QCRDL 39742. ↩︎
  17. Art. 1896 al. 1 C.c.Q. ↩︎
  18. Id. ↩︎
  19. Dominique c. Poirier-Richard, 2019 QCCQ 6244. ↩︎
  20. Art. 1898 al. 2 C.c.Q. ↩︎
  21. Id. ↩︎
  22. Streff c. Benali, 2017 QCRDL 4661; Duong c. Tremblay, 2017 QCRDL 3924; Lafortune c. Dubois, 2017 QCRDL 3422. ↩︎
  23. Art. 1961 al. 3 C.c.Q. ↩︎
  24. Elgoharri c. Margot, 2021 QCTAL 28208; Guimont c. Fortier, 2021 QCTAL 2192; Ciavaglia c. Gargour, 2018 QCRDL 3070. ↩︎
  25. De Bois c. Wiper, 2017 QCRDL 31440; Petiote c. Perreault, [2003] J.L. 388 (R.L.). ↩︎

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